Kasbah Tigmi'N'Oufella

Kasbah Tigmi'N'Oufella

Contes Berbères

 LA HUPPE ET LE VAUTOUR

Une huppe était si vieille qu’elle était entièrement chauve. Un vautour la vit un jour blottie immobile dans son nid. Il se dit « c’est un oiseau tout jeune, je l’emporterai à mes petits, l’élèverai et nous le mangerons quand viendront les mauvais jours de l’hiver ». Il fondit sur l’oiseau et l’emporta dans son nid. Il lui apportait chaque jour à manger ainsi qu’à ses petits. Les petits grandirent et la huppe resta comme elle était. Un jour de mauvais temps, l’ouragan déchainé se mit à souffler de toutes parts rabattant vers le sol ceux des oiseaux qui volaient. Le vautour voulut sortir, mais il fût violemment rejeté à terre « Pourquoi, lui dirent ses petits, ne vas-tu pas chercher notre pitance ? – De ma vie je n’ai vu un temps pareil dit-il. On ne peut pas sortir ! ». La huppe qui l’écoutait lui dit : « Quelle tempête as-tu donc déjà vue en ta vie ?. Si tu avais été témoin de celle qui soufflait au commencement du monde, tu ne dirais pas qu’il fait mauvais temps aujourd’hui ! – je te croyais jeune, répondis le vautour. Serais tu plus âgée que mon père ? – Certes oui ! » dit la huppe. Alors le vautour la prenant dans ses serres s’en fut la déposer sur un rocher exposé au vent. Depuis ce jour, la huppe chante : imi-nu ! imi-nu ! mon bec ! mon bec !. Ce qui veut dire, si je m’étais tue, la vautour aurait continué à me nourrir jusqu’à la fin de mes jours.

Dictée par El hajj Djillali (Ntifa). 

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LE ROSSIGNOL

(pourquoi chante-t-il la nuit)

 Le rossignol dormait la nuit sur une treille. Il se trouva un matin pris dans une vrille qui s’était enroulée autour de son cou. Il se débattit et put se dégager. Depuis cette aventure, il craint de dormir la nuit et chante pour rester éveillé ; il chante aussi bien que le jour. Il se met à chanter dès que la vigne commence à pousser et s‘arrête lorsqu’elle se flétrit. Il se tait le reste de l’année et ne reprend sa chanson qu’au printemps quand la vigne reverdit. (Nfita). Légendes et contes de la Grande Kabylie : Le rossignol, pris à la patte par un sarment de vigne, est délivré par une petite fille qui le cache dans sa poitrine. Depuis il chante « C’est parce que je ne me suis pas méfié de la vigne que j’ai vu deux seins au milieu desquels j’étais emprisonné ! ». Légende aussi en France : Petits contes du Nivernais .mars 1892.

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LE HIBOU DE MOULAY SLIMAN

Moulay Sliman, le roi des génies ; commandait aux oiseaux, aux bêtes sauvages, comme aux hommes. Sa femme lui dit une nuit : « Je voudrais dormir sur un lit fait de la plume de tous les oiseaux ! ». le roi réunit tous les oiseaux et les fit défiler devant lui afin de savoir s’ils étaient tous présents. « Ëtes-vous au complet ? » leur dit-il. – Oui, il ne manque que le hibou. – Va le chercher dit le roi au faucon. » Le faucon parvint au trou du hibou : «Ne sais-tu pas, lui dit-il, que le roi a réuni les oiseaux et qu’il ne manque que toi ! ». Il s’en fut donc avec le faucon qui l’amena au roi : « Pourquoi n’es tu pas venu ? lui demanda le roi. – J’étais occupé à compter le nombre des nuits et des jours, celui des morts et des vivants, des femmes et des hommes ! – Ah ! fit le roi, y aurait-il plus de nuits que de jours ? – il y a plus de jours. – Qu’en sais-tu ? – les nuits de clair de lune ne sont elles pas pareilles aux jours !. - Et les morts, en compte-t-on plus que de vivants ? – Il y a plus de vivants. – Pourquoi ? – Le mort qui laisse le souvenir d’une vie honnête est toujours du nombre des vivants. –Et les femmes, y en a-t-il plus que d’hommes ? –Il y a plus de femmes que d’hommes. –Qui te le fait dire ? –L’homme qui suit les conseils d’une femme n’est-il pas lui-même une femme ? –Sans doute ! Alors je suis une femme. –Seigneur c’est de ta bouche que je l’apprends ! » Le roi s’écria alors : « Oiseaux, je vous rends votre liberté ; par la grâce du hibou –le plus vil de tous –(Vous ne serez pas plumés ! ») (Ntifa).

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LA PERDRIX, LE HERISSON ET LE CHAMEAU

La perdrix avait pondu ses œufs dans un genévrier. Comme elle allait chercher sa nourriture, elle recommanda au hérisson : « Je les mets sous ta protection, lui dit-elle, prends garde qu’on ne les casse ! ». Et elle s’en alla. Le chameau survint pour brouter dans ce genévrier. « Eloigne-toi, lui dit le hérisson –dans ce genévrier sont les œufs de la perdrix : elle m’a dit de veiller sur eux ! ». Le chameau s’avança et écrasa les œufs. Le hérisson alors d’un coup de bâton lui fendit la lèvre ; le chameau à son tour, d’un coup de pied, le blessa à la tête. C’est pourquoi le chameau a la lèvre fendue et le hérisson une cicatrice sur la tête. (A.Sgougou). Quand des individus vont en venir aux mains, on leur dit en manière de proverbe : « Méfiez-vous, qu’il ne vous arrive celle du chameau et du hérisson ».

Relevé dans le parler des A Sgougou par l'officier-interprète Guyot 

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LA LEGENDE DU CORBEAU

Au commencement du monde le corbeau était blanc. Le prophète –que le salut soit sur toi –lui envoya un jour un messager qui lui dit : « Prends cet or et porte-le aux musulmans ; prends ces poux et porte-les aux Chrétiens ! ». Le corbeau s’en alla : il donna l’or aux Chrétiens et les poux aux Musulmans. Dieu (pour le punir) le métamorphosa : son plumage devint noir et, quand il dit :« haq haq » cela signifie : c’est bien fait pour moi ; j’ai trahi le dépôt « qui m’avait été confié ».

Dicté en 1915 à Rabat par Brahim Ou Ali de Timgissim, tribu de Tlit 

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LA LEGENDE DU HERISSON

Le hérisson était un homme qui volait des pelotes de fil. Dieu le changea en pelote couverte de petits fuseaux.

Dicté en 1915 à Rabat par Brahim Ou Ali de Timgissim, tribu de Tlit 

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LA LEGENDE DE LA CIGOGNE

La cigogne était un homme considérable qui faisait le commerce du grain. Il enduisait de savon les marches de l’escalier qui menait à sa boutique. Le client qu’il avait servi glissait en descendant, tombait et répandait son grain à la grande joie de cet homme qui le regardait. Dieu le changea en cigogne à cause de ses mauvaises actions. Les plumes noires et blanches de la cigogne rappellent le burnous noir et le burnous blanc dont il était vêtu.

Dicté en 1915 à Rabat par Brahim Ou Ali de Timgissim, tribu de Tlit 

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LES PERDRIX, L’ENFANT ET L’HOTE

Un homme vivait avec sa femme et un petit enfant du produit de sa chasse. Il chassait chaque jour et rapportait chaque fois trois perdrix, la sienne, celle de sa femme et celle de son fils. Il n’en rapportait jamais plus de trois. Un jour pourtant il en prit quatre. Il revint chez lui et trouva debout devant sa porte un individu qui lui demanda l’hospitalité : « Soit le bienvenu, lui dit-il, le bien t’a largement devancé ! ». Ils entrèrent ; la femme pluma les perdrix, les vida et les jeta dans la marmite. Le mari se leva et dit à l’étranger : « Allons prier à la mosquée pendant que s’apprête le souper !». Bientôt l’enfant s’endormit près de sa mère ; puis le souper fut cuit. La femme le retira du feu et attendit le retour de son mari et de l’hôte. Comme ils tardaient elle se dit : « Mon fils dort, je vais manger sa perdrix et la mienne ! ». Elle mangea donc sa perdrix et celle de son fils, et laissa celle de son mari et de l’hôte. Un moment après elle se dit : « J’imagine que nos voisins ont retenu l’hôte chez eux ! ». Elle mangea donc sa perdrix et laissa celle de son mari. Celui-ci tardant à venir, elle se dit : « Il est sans doute allé voir sa mère, il est inutile de l’attendre ! ». Elle prit sa perdrix et la mangea. Puis l’enfant se réveilla et se mit à pleurer. Sa mère n’avait plus rien à lui donner. Sur ces entrefaites, l’invité arriva et trouva l’enfant tout en larmes. « Pourquoi pleure-t-il ? » demanda-t-il à sa mère. –D’habitude, dit-elle, quand un hôte nous visite nous lui coupons le bout de l’oreille et nous le donnons à l’enfant pour qu’il se taise ! ». A ces mots, l’hôte sortit et prit la fuite. Le mari entra à son tour et trouvant son fils en pleurs demanda : « Qu’a-t-il ? –L’hôte s’est enfui avec les perdrix de notre souper ! » lui dit-elle. Il se mit à sa poursuite : « Arrête toi, lui criait-il, ne m’en donne qu’un petit morceau pour l’enfant ! ». Croyant qu’il en voulait à son oreille, l’invité courut de plus belle en disant : « Si tu m’attrapes, tu es capable de me les couper toutes les deux ! ».

Pays de Ntifa, région de Tanant.

Le même conte a été recueilli en Lorraine, et signalé aussi en Haute Bretagne et au Portugal (Açores). Tous ces contes présentent l’équivoque entre les perdrix et les oreilles. C’est en effet de perdrix qu’il est presque toujours question ; de même l’invité est généralement un personnage pieux : un curé, un chapelain, et dans les versions orientales, un prêtre bouddhiste à Ceylan, un brahmane dans l’Inde. Celui-ci va prier à la mosquée en attendant l’heure du souper : ce qui donne à toutes ces versions une origine commune et une belle unité. Deux fabliaux du moyen âge, l’un Français, l’autre allemand développent le même thème. Le premier s’intitule « Dit des perdrix » et a été rapproché du conte de Grimm. Desaugiers a fait sur le même sujet un vaudeville « le dîner de Madelon ». 


07/04/2013

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